Manger indonésien - suite
Sumatra et la côte ouest autour de Padang en particulier ont probablement la cuisine la plus relevée de toute l'Indonésie. Il faut dire que ces îles volcaniques de l’archipel sont un paradis aux épices.
Partout des girofliers et des muscadiers poussent comme de la mauvaise herbe. Piments de diverses sortes, ail, sauce soja, noix de coco, cacahuètes moulues, gingembre et une douzaine d'autres précieuses épices agrémentent la cuisine. On est venu les chercher depuis l’Europe lors des Grandes Explorations. Epicé se dit « peda » ; les tables comportent presque toutes une bouteille de « sambal », pâte de piments parfumée à la crevette et mélangée à du jus de citron vert. Une cuiller à thé suffit à transformer les morceaux en braises. Le « nasi padang » est un riz spécialement épicé, et le « deng deng » un plat de viande imbibé de piment. Nombre de Français font la grimace et se ruent sur le riz blanc : una cocina latina !
Les restaurants des plages proposent du thon fraîchement pêché, du barracuda, des steaks de requin, et un genre de sébaste appelé « snapper ». Je les préfère grillés, ce qui est bien meilleur que le graillonnement trop long dans une huile peu souvent remplacée. Crevettes géantes et homards sont les plus chers, d’autant que le prix est donné aux cent grammes, pas au kilo. Le poisson frais est la spécialité des Célèbes (Sulawesi) mais aussi les grillades flambées de buffle. La viande est posée sur des tuyaux de bambou et arrosée de tuak, cet alcool de palme au goût intermédiaire entre le rhum et le cidre, avant d’y mettre le feu.
Encore plus exotique est le tikus, un vulgaire rat des champs bien gras d’avoir boulotté le riz sur pied, voire le paniki, une chauve-souris végétarienne, qui ne mange nulle souris mais des fruits. A notre grand regret, nous n’avons pas goûté de ces mets raffinés : cucina barbara, mamma mia !
Les desserts se composent de fruits frais mangues, petites bananes roses ou dorées, fruits de la passion, mandarines, rambutan chevelu, anone, salak ou fruit serpent recouvert de dures écailles brunes, dourian vert qui dégage une odeur cadavérique mais dont le parfum de rose acide ravit le palais. Une préparation au fruit, le « gudeg », est la spécialité de Djodjakarta ; elle est composée du fruit du jaquier cuit dans du lait de coco. Les autres « crèmes » et « pâtisseries » sont du hollandais revu local et ne méritent nul éloge, sauf si vous avez très faim et que votre goût a été dénaturé au MacDo. Le pouding de riz noir est étrange à voir mais remplace avantageusement le porridge ou le gâteau de riz grand-mère. Il s’agit de riz noir cuit à l’eau et servi avec du lait de coco et du sucre de palme.